La Sélection de Martinique termine dernière de la Coupe des Nations de la Caraïbe 2017, manifestation disputée à domicile. Et malgré notre position inconfortable de lanterne rouge, la Ligue de Football de Martinique nous dit que nous n’avons pas à… rougir.
Et puis la litanique faute des présidents de clubs pros qui ne libèrent pas « nos » joueurs pros. Et bien sûr, elle parle déjà de la Gold Cup, soit le niveau supérieur. Ça semble un peu paradoxal, puisque nous visons au-dessus, alors que nous avons échoué en dessous !!! Les interrogations se bousculent donc dans notre tête défaite : y allons-nous pour progresser ? Ou progressons-nous pour y aller ? Existe-t-il une véritable adéquation objectifs-moyens ?
Lors des tournois officiels, les pays de la Caraïbe peuvent faire appel à leurs joueurs professionnels. Ne bénéficiant pas du même statut, la Martinique n’a pas les moyens de contraindre les présidents de clubs professionnels. Elle se trouve donc condamnée à faire avec les joueurs libérés et susceptibles de renforcer notre Sélection. Il résulte de cet apport aléatoire des écarts de niveau, avec les conséquences que nous savons : nous sommes fiers d’être qualifiés pour la Gold Cup 2017 où nous jouerons dès le premier tour contre des pays tels les USA, le Panama et le Costa Rica, alors que nous venons d’échouer face à Curaçao et la Guyane en Coupe des Nations de la Caraïbe. Pour répondre à ce recrutement de pros incertain, deux types de réponses semblent possibles.
D’une part, une démarche conjointe Martinique, Guadeloupe, Guyane, auprès du gouvernement et des instances du foot français. Elle viserait à modifier verticalement notre demande aux clubs pros et à lui donner un fondement juridique. Avons-nous tenté une telle démarche ? Notons qu’une demande conjointe pour une adhésion à la FIFA, a été faite par ces 3 ligues et celle de Saint-Martin. En tant que membres de cette fédération internationale, nos régions bénéficieraient de fonds d’aide au développement du football. Pour l’instant, la FFF et l’État ne sont pas favorables à une telle adhésion. Et lors de son passage en Guadeloupe puis en Martinique, la toute nouvelle ministre des sports, la Guadeloupéenne Laura Flessel, n’a pas semblé plus disposée que son prédécesseur. Mais, disons-le, il s’agit là d’une autre problématique que la libération de nos joueurs pros, pour des compétitions officielles de l’UFC et de la CONCACAF.
D’autre part, un meilleur jeu d’influence auprès des présidents de clubs des joueurs convoités ; ce qui implique dès le début de saison un contact avec le joueur ainsi que le club, et donc une stratégie de persuasion. Autrement dit, nous devons nous donner les moyens de nos ambitions. Pour le recrutement de pros de bon niveau, il faut, dit-on, bénéficier de la contribution d’anciens joueurs professionnels qui ont gardé leur carnet d’adresses. À ce jeu, la Guadeloupe a réussi pendant longtemps grâce (dit-on) à Jocelyn Angloma, et la Guyane y parvient aujourd’hui avec, semble-t-il, Bernard Lama, Florent Malouda ou autre Jean-Claude Darcheville. La Martinique, elle, est malheureusement à la traîne, pas véritablement capable d’influencer la décision des clubs pros, et constamment planquée derrière un « c’est la faute de l’autre », posture aveugle qui lui évite d’interroger ses propres méthodes.
Ils ont d’anciens joueurs qui acceptent de mouiller leur tricot pour convaincre les joueurs de leur pays, et les présidents du club où ils évoluent. Et nous ? Comme pros ayant joué ou le faisant au plus haut niveau, nous comptons notamment Éric Abidal, Raphaël Varanne, Frédéric Piquionne, Charles-Edouard Coridon, Garry Bocaly, Emmanuel Rivière ; ces trois derniers étant issus de la formation martiniquaise. Avons-nous tenté quelque démarche auprès d’eux ? Avons-nous sollicité Éric Abidal ? Au moment où celui-ci rencontrait des problèmes de santé qui ont failli mettre un terme prématurément à sa carrière, la LFM, la Région, le Département, ont-ils exprimé leur solidarité auprès de cet international martiniquais ? S’en sont-ils rapprochés ? Comment pouvons-nous demander aux Martiniquais vivant en Europe de se sentir concernés, si la Martinique n’active pas cette solidarité qui devrait entretenir les liens ? Peut-être, devrions-nous changer de logiciel !
Depuis des décennies, nous gérons le sport sans véritable projet sportif. Malgré des velléités, aucune instance n’a vraiment posé la question du sport en Martinique, et donc défini nos objectifs, nos stratégies et nos priorités. Sans doute appartient-il aux politiques d’interroger la population, et suite à cette consultation, de lui soumettre un projet dont les moyens auront été définis. C’est ce qui a commencé à être fait lors des Assises du Sport Martiniquais initiées par la toute nouvelle Collectivité Territoriale de Martinique, en 2016 : plusieurs week-ends de débats qui devaient conduire à un « grand livre blanc », mais à ce jour, il semblerait que ces pages soient un peu ternies avant même d’être éditées !
Nous le savons tous, les moyens financiers sont limités, situation qui devrait durer, même si l’État a lancé un plan de relance pour les régions et territoires ultramarins, à hauteur de 80 millions sur 4 ans. Mais, pourquoi la CTM, propriétaire des établissements scolaires, et donc de leur gymnase, ne mettrait pas déjà en place une politique générale permettant aux clubs de bénéficier plus facilement de ces lieux ? Si une telle proposition n’a pas que des avantages, nous devons cependant nous interroger sur une optimisation de nos moyens afin d’améliorer notre ratio d’efficacité.
C’est donc à une nouvelle ingénierie du sport qu’il faut aboutir, celui-ci s’articulant à un véritable projet Martinique ; un projet qui, bien sûr, transcenderait les alternances politiques. Sans cette vision consensuelle, nous sommes condamnés à détricoter et à régler… nos comptes de manière affligeante. Aujourd’hui, l’un de nos enjeux essentiels est, certainement, d’être martiniquais autrement, de l’être solidairement, surtout que la technologie ajoute à cette option communication. Ce lien que nous créerons ainsi nous aidera, sans doute, à avoir comme premiers ambassadeurs des joueurs qui commenceront le travail auprès du président et/ou l’entraîneur du club pro. D’avoir aussi d’anciens pros qui, parce que concernés par leur pays et connectés à celui-ci, accepteront peut-être de s’impliquer davantage.
À trop vouloir nous persuader que c’est toujours la faute des autres, nous refusons de poser le véritable problème. Aussi, disons-le : contrairement à ce qu’affirme la LFM, nous avons des raisons de rougir de cette débâcle à domicile ! Il est donc grand temps d’arrêter de prendre les vessies pour des lanternes !
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